LES SAPEURS POMPIERS D'AYDAT
  Sainte Barbe
 

L'HISTOIRE DE LA SAINTE BARBE


La légende dorée d'une jeune fille: Barbe...

Sainte-Barbe vivait au milieu du IIIème siècle à Nicomédie en Asie Mineure, aujourd'hui Izmit, un port de Turquie. Son père, un riche païen du nom de Dioscore, pour la protéger des assauts de prétendants trop entreprenants, l'enferma dans une tour. Au retour d'un voyage, sa fille lui apprit qu'elle s’était convertie au Christianisme durant son absence. Furieux, le père mit le feu à la tour mais Barbe réussit à s'enfuir et se réfugia dans les rochers des environs. Par malheur, un berger découvrit la cachette et avertit son père. Ce dernier la traîna alors devant le gouverneur romain de la province qui la condamna à d'affreux supplices. Comme la pieuse jeune fille continuait à invoquer le Christ, le gouverneur ordonna au père de trancher lui-même la tête de sa fille. Dioscore obéit et fut aussitôt châtié par le Ciel. La foudre le tua sur place.


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Embrasement du chevalement de Couriot (2006)


… devenue Sainte-Patronne

Depuis ce jour, Sainte-Barbe protège contre la foudre et la mort subite, donc contre le tristement célèbre coup de grisou, hantise des mineurs. Elle est la patronne des mineurs mais aussi des pompiers, des artificiers, des artilleurs et des carriers qui utilisent des explosifs pour entamer la roche. Dans le Forez, on inscrit son nom sur les cloches et on les fait sonner à Courreau (St Bonnet-le-Courreau) pour qu’elle éloigne la foudre. 0n retrouve cette tradition avec Saint-Aubrin à Montbrison. Elle donna aussi son nom aux cales des navires où la poudre et les munitions étaient gardées. Et bien sûr à une multitude de chapelles, la plus grande d'entre elles étant celle de Bourges.  Elle est fêtée le 4 décembre mais Barbe a été rayée du calendrier catholique et romain en 1979, pour être remplacée par Barbara, son vrai nom en latin et en grec, utilisé partout sauf en France. Allez savoir pourquoi, les poilus gaulois ont préféré Barbe.


Dans l’art local

Son culte fut particulièrement fervent à partir du XVème siècle. Elle est représentée sur une fresque au prieuré de Saint-Romain-le-Puy. La statuaire la représente le plus souvent à côté d’une tour. Parfois, cette dernière comporte trois fenêtres symbolisant la Sainte Trinité. C’est le cas, en particulier, sur celle de la Sainte-Barbe du puits Couriot à Saint-Etienne, restée fidèle à son poste, au fond. La tour sur laquelle s’appuye la jeune fille de la chapelle de Grézolles est presque aussi haute qu’elle. Sur le retable de Saint-Galmier, la jeune martyre est à gauche de la Vierge ! Elle est aussi figurée sur la fresque de l'église Saint-Ennemond à Saint-Etienne.

Ci-dessus, la statue de Sainte-Barbe du puits Couriot à Sainté (celle qui reste au fond) et la statue de la chapelle des Pères sur la colline Sainte-Barbe.

D’autres statues se trouvent à l’église de la Ricamarie, dans la chapelle des Pères (sur la colline Sainte Barbe à Saint-Etienne), à Notre-Dame de Rive-de-Gier. La popularité de la Sainte fut telle qu’une demoiselle de Saint Chamond se fit représenter sous ses traits vers 1830. Son buste est conservé à l’église Saint-Pierre de Saint-Chamond.

Une anecdote à propos de la statue de La Talaudière: elle est ornée d'une lampe de mineur de type belge. Or, en 1865, année de la sculpture de la statue, les mineurs foréziens étaient équipés d'une lampe française de type Marsault. Il se trouve que le donateur de la statue, un certain Evrard, directeur du puits de la Chazotte, était en procès avec Marsault...

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Evoquons encore la statue que l'on peut voir au musée du vieux Saint-Etienne. Datée du début du XVIIème siècle, elle se trouvait à l'origine dans une niche sur une maison de la rue Roanelle (actuelle avenue Emile Loubet).

Ajoutons enfin qu'elle a donné son nom à une chapelle stéphanoise sur la colline Sainte-Barbe, construite en 1588, à une autre chapelle qui lui est dédiée dans l'église de Saint-Etienne, au premier pont construit sur le Furan à la fin du XVème siècle et aujourd'hui encore à une église dans le quartier du Soleil (le feu toujours). Sans oublier une école de Sainté, de même qu'une des cloches de la Grand'Eglise et à... un ancien magasin de vêtements rue du général Foy: "A Sainte-Barbe".


Sainte-Barbe sur la chasuble d'or de la chapelle Sainte-Marie à Saint Chamond 

Michel Rondet contre la Sainte Barbe

Le célèbre syndicaliste de la Ricamarie, fondateur du premier syndicat des mineurs, fut un des rares à combattre vraiment de front la célébration de la Sainte-Barbe. D'abord pour ces mêmes raisons anticléricales radicales qui font que certains "rouges" auraient volontiers débaptisé Saint-Etienne comme les Jacobins en leur temps. Mais il est vrai que les mineurs recevaient leur salaire à condition d'assister à la messe. En outre, la célébration religieuse revêtait un aspect inégalitaire flagrant, les mineurs se tenant debouts au fond de l'église tandis que les directeurs restaient assis au premier rang dans des fauteuils confortables. Claude Cherrier, dans le livre La Sainte-Barbe, rappelle cependant que des hommes de Dieu se sont aussi offusqués de cette pratique héritée de l'Ancien Régime. Ainsi Mgr Ancel qui, à la Ricamarie, s'entendit répondre par le directeur des mines de Montrambert: "Plus de charbon pour la cure !". Malgré ses efforts, Rondet ne parvint jamais à abattre cette "vieille superstition" et "la sainte-trinité du curé, de la compagnie des mines et du maire de la Ric."

En 1949, à l'Amicale laique de Côte-Chaude, c'est Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF en personne, qui vint présider le banquet de la Sainte-Barbe. Au vélodrome de Saint-Etienne, il prononça un discours dont La voix du mineur a cité quelques extraits: "Il faut lutter contre le capitalisme qui exploite depuis des années le monde du travail. Ce grand capitalisme qui est personnifié par les trusts américains avec à leur solde un gouvernement réactionnaire, dont le Président est député de la Loire(...) Les travailleurs de quelque tendance que ce soit, chrétiens ou athées, communistes ou non, s'uniront pour éviter à leurs enfants de se faire tuer pour des intérêts qui ne sont pas les leurs. En somme bonne Sainte Barbe que tous les mineurs ne sont pas près d'oublier." A la Sainte- Barbe, il était de bon ton, semble-t-il, de mettre de côté certains dogmes soviétiques ... 





 

Une carte postale de la Sainte-Barbe des années 30


La fête de la Sainte-Barbe, passée...

Le 4 décembre était traditionnellement chômé et payé, accompagné parfois d’une gratification remise le jour même par la direction qui s’assurait ainsi de la présence des mineurs. Cette journée associait l’ensemble du personnel, les élèves de l'Ecole des Mines dans leurs uniformes et les autorités locales. La journée débutait par des tirs d’explosifs, en fait des pétards de fabrication artisanale ("faire péter des boîtes" dit l’expression). Le cortège portait ensuite la statue de Sainte-Barbe vers sa chapelle sur la colline du même nom, drapeaux et musique en tête. Après la messe où un pain (ou une brioche) béni était distribué, les autorités locales et celles des mines faisaient des discours et remettaient des décorations (médailles du travail). Un vin d’honneur était servi et la journée se poursuivait dans les cafés, tandis que la Sainte retournait dans les galeries de la mine.  Dom Antoine Dumas, originaire de Firminy, a évoqué il y a une quarantaine d'années ses souvenirs de la Sainte-Barbe (repris par le journal Le Mineur de la Loire, en 1970, année de la dernière Sainte-Barbe à Couriot). Il cite ces mots du curé lors d'une bénédiction: "Blanche petite martyre enfermée dans une tour obscure, où le Christ restait le point d'or de sa nuit... La lampe du mineur est aussi un point d'or qui rayonne dans la nuit, le symbole de l'Espérance chrétienne, cette lampe dont l'huile est la foi...". Et la chorale chante alors dans l'église une cantate à Notre-Dame-de-la-Mine.


 

Photo Le Progrès, 1964, La Ric dit adieu à la Sainte-Barbe


Jean Tibi, dans La mine foudroyée, cite encore ces mots: "Devant elle (Sainte Barbe), même les "rouges" faisaient comme les bourgeois et les "blancs*", quittaient leurs casquettes. C'était une manière comme une autre de se découvrir devant ceux du Brûlé** et du métier."

* Les Stéphanois nommaient ainsi les saisonniers venus de Haute-Loire et du Forez.
** fusillade qui coûta la vie à 14 personnes, mineurs, hommes, femmes et enfants à la Ricamarie. Lire notre article à ce propos dans l'Encyclo.

Et puis avec le crépuscule du charbon-roi, les puits de mine fermèrent chacun à leur tour et les lampes s'éteignirent doucement, entraînant en silence les cérémonies de la Sainte-Barbe. Après les communes minières de la vallée du Gier, ce furent Villars, le Soleil à Sainté, Firminy qui mirent fin à une tradition chère entre toutes.

La Talaudière et La Ricamarie résistèrent, un peu. A La Ric, la coutume voulait que ce soit l'archevêque de Lyon en personne qui vienne célébrer la messe à l'arrivée d'un défilé parti de l'hôpital des mines. Et ce sont les anciens, les vieux qui portaient la Sainte, entourés de matrus en tenue et portant chacun les drapeaux des puits disparus. Comme pour symboliser la survivance, la pérénité à tout prix d'un métier qui ne peut, qui ne veut pas s'arrêter. En 1964, la tradition à La Ric succomba. On ne la revit plus. A Roche-la-Molière, la statue de la Sainte Barbe était lavée puis sortie de terre par des clapeuses. Elle était ensuite portée en cortège au pied de l'autel de l'église, constitué d'une des pierres de soubassement du puits Combes. A la grande époque du charbon, 25 000 Rouchons suivaient le cortège ! Mais ici, la Sainte-Barbe ne voulut pas mourir, elle résiste encore aujourd'hui. Quant à Firminy, elle renaît de ses cendres grâce à ses autres protégés, les soldats du feu ! Sacrée Barbe !



A Roche-la-Molière

... et présente.



Aujourd’hui à Sainté, Sainte-Barbe ( il s’agit de la statue de Couriot) est exposée en général le samedi précédent le 4 décembre au soir sur les marches de l’Hôtel de ville, encadrée par 4 anciens mineurs et jeunes gens en bleu de travail et gantés de blanc. Sur la tête, le casque et la lampe allumée. Le cortège se forme et le " brancard " du haut duquel Saint-Barbe domine la foule gagne le musée de la mine du Puits Couriot par la rue Michel Rondet, ironie du sort. Un vin chaud et la traditionnelle brioche sont servis et le Puits Couriot s’illumine sous un feu d’artifice.

L' édition 2004. Ci-dessous, le superbe crézieux à l'échelle 2/5ème fabriqué par les élèves du lycée Sainte-Thérèse. "La lampe de mineur était le flambeau du monde." (Monument aux mineurs de Roche-La-Molière.)

Lors de l'édition 2004, la statue de la Sainte fut précédée dans le cortège par quatre élèves du lycée Sainte-Thérèse portant un crézieux, une lampe utilisée entre les années 1850 et 1920 et fabriquée à l'identique mais 2,5 fois plus gros que l'original, soit une année de travail pour le réaliser. Ce n'est pas le premier coup d'essai (réussi) des élèves de ce lycée fameux de Sainté dans l'art de la chaudronnerie. C'est à eux que l'on doit aussi l'impressionnante lampe Clanny de 1m 50 en acier, laiton et cuivre, que l'on peut admirer au Musée de la Mine et la mappemonde d'un mètre de diamètre du Musée d'Art et d'Industrie.  Pas de messe donc, ni de représentants visiblement officiels à Sainté mais à Roche-la-Molière (le dimanche après-midi), la messe existe encore et les élus défilent derrière Sainte-Barbe jusque vers la statue du mineur. Cette année enfin et pour la première fois depuis 30 ans, la cérémonie traditionnelle revient à Firminy (le 3 décembre au soir) à l’initiative des pompiers, avec messe et bénédiction des brioches.

Longue vie à la Sainte Barbe !

 
   
 
Mis à jour le 30 / 04 / 2018
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